Covid-19 - Facteurs, transmission, évolution : le virus expliqué

La pandémie que nous vivons à travers le monde n'est malheureusement pas uniquement un problème de santé publique mondiale mais traduit des perturbations beaucoup plus profondes au sein desquelles se mêlent éthnobiologie, ethnomédecine, diminution de la barrière des espèces, déforestation et protection des écosystèmes.

Selon le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies, 3/4 des nouvelles maladies infectieuses viennent d'animaux délogés de leurs habitats originels. La particularité de la chauve souris réside dans le fait qu'elle héberge de nombreux virus sans en subir les dommages.


Comment la transmission se fait-elle à l'homme ? Quels sont les facteurs entrant en jeu dans ces grandes pandémies ? Nous vous proposons une analyse multifactorielle du COVID-19 reposant sur la structure du virus et les facteurs qui ont prédisposé à sa virulence.

Centre pour le contrôle et la prévention des maladies

Historique du virus depuis 20 ans

2002-2003 : SRAS-COV

Province de Guang Dong en Chine - 8098 cas - 774 décès

Taux de mortalité : 50% chez les plus de 60 ans

L'origine du SRAS proviendrait de la chauve souris en fer à cheval (rhinolophidés). De nombreuses personnes travaillant sur le marché de Wuhang avaient une sérologie positive au SRAS depuis plusieurs années.

2012 : MERS/Nouveau Syndrome respiratoire Coronavirus du Moyen-Orient 

Arabie-Saoudite - 2500 cas - 800 décès

Les chauves-souris représentent le premier réservoir hébergeant le virus. Elles transmettent le virus aux chameaux et dromadaires qui vont ensuite le transmettre par leur lait ou la consommation de leur viande.

Le SRAS et le MERS se transmettent par l'intermédiaire de la chauve-souris aux animaux/hôtes comme les civets et aux chameaux avant d’être transmis à l'homme.

2019 : Covid-19

Monde entier – Plus de 6 799 713 cas – Plus de 397 388 décès (au moment où nous publions, en date du 9 juin 2020)

Premiers cas observables sur le marché de Wuhan en Chine. Ce marché vend des animaux vivants : chauves souris, pangolins, civets, rats, serpents, singes, moutons, porcs, renards.

Les autorités chinoises ont du fermer 20 000 fermes qui élevaient des paons, civettes, porcs-épics, autruches, oies sauvages... Le virus se transmet de la chauve-souris au pangolin puis à l'homme par contact direct et contact indirect.

Département de Microbiologie Université de l'Iowa. Anthony R. Fehr 2015

Centre pour le contrôle et la prévention des maladies

Causes et origines de l'apparition du virus

Déforestation et perte de la biodiversité

La déforestation est une cause majeure de l'apparition de pandémies comme le Covid-19. La perte de l'écologie locale oblige de nombreux animaux comme les chauves souris à quitter leurs habitats premiers éloignés de l'homme. Les chauve-souris prennent place dans des lieux proches des zones urbaines et à proximité de l'homme, à la recherche de nourriture, notamment dans des arbres. Les chauve-souris vont s'établir, se nourrir et déféquer sur les fruits qui vont être consommés ensuite par l'homme. Les chauve-souris vont également se retrouver en contact avec des animaux domestiques.

Le Sud-Est Asiatique est la région du monde la plus soumise à la déforestation. Celle-ci représente 30% de la superficie totale de la foret en l'espace de quarante ans. Cette région du monde subit également la plus forte augmentation de population sur une superficie diminuée à laquelle s'ajoute une situation sanitaire difficile. La déforestation oblige également les chauves-souris insectivores délocalisées à se diriger la nuit vers les maisons éclairés qui attirent de nombreux insectes.

La transmission à l'homme

Avec les épisodes de SRAS et MERS, il a été observé que la transmission des virus de l'animal à l'homme se produisait par contact direct ou par les excrétions :

• contact direct via la consommation d'animaux infectés, restaurants, marché ouvert de Wuhan, consommation de lait de dromadaire infecté
• contact via les excrétions et défécations d'animaux infectés en zones délocalisées et milieu urbain 

Rôle des animaux-hôtes dans la transmission du coronavirus 

La chauve-souris, à l'origine de nombreux virus 

Dans la culture asiatique, la chauve-souris est un animal ayant une forte proximité avec l'homme et représente un met très apprécié notamment dans le sud de la chine. La chauve-souris est un réservoir pour de nombreux virus provoquant de nombreuses maladies :

• Virus Nipah en Malaisie
• Virus Hindra en Australie
• SRAS en Chine
• MERS au Moyen-Orient

Chauve souris : un système immunitaire unique

Lorsque la chauve-souris est infectée par un virus, son système immunitaire ne réagit pas comme celui de l'homme. Chez ce dernier, face à l'entrée du coronavirus, le système immunitaire surréagit dans une tentative de résolution en créant une flambée inflammatoire très importante par la libération non maîtrisée de cytokines comme l'interféron, l'Interleukine-1, l'interleukine-6, TNF (Facteur de Nécrose Tumorale).

Les cytokines sont des molécules du système immunitaire hyper-réactives dont la réponse, chez l'homme, déborde largement en intensité l'attribution première qui lui est octroyée.

Différences de réactions entre l'homme et la chauve souris face au virus

De nombreuses études scientifiques montrent l'augmentation des cytokines chez l'humain et de nombreux animaux, ce qui entraîne :

• une élévation importante de la température conduisant à l'installation de la fièvre
• un pronostic défavorable lorsque les niveaux de cytokines et la réponse inflammatoire sont importants
• une surutilisation des ressources de l'organisme (muscle, tissu graisseux, glucose) dans une tentative de résolution
• de gros dommages aux tissus pulmonaires

La spécificité du système immunitaire de la chauve souris est de réguler la sécrétion des cytokines pro-inflammatoires.

Chez la chauve-souris, Il se produit une régulation à la hausse d'Interféron (puissante molécule anti-virale) sans augmentation du TNF (puissant pro inflammatoire )

• un niveau basal plus important d'Interféron chez la chauve-souris et notamment d'Interféron anti-viral peu connus comme l'Interféron Kappa et l'Interféron Oméga
• un niveau plus bas de TNF (Facteur de Nécrose Tumorale) cytokine fortement pro-inflammatoire

Australian Animal Health Laboratory. Victoria. 2010

Département de médecine moléculaire et de pathologie.

Institut Michael De Groote pour la recherche des maladies infectieuses. Hamilton. Canada 2019

Adapation naturelle de la chauve souris face à l'inflammation

La chauve-souris possède un métabolisme élevé dû à l'activité première que représente le vol qui entraîne une grande dépense d'énergie comparativement à sa taille. Cette dépense d'énergie entraîne beaucoup d'oxydation, d'inflammation des tissus et de dommages à l'ADN des cellules.

L'évolution naturelle à travers les siècles a supplée à cette situation en diminuant fortement le recours à l'inflammation par la régulation de la sécrétion d'Interféron lors de stress, d'efforts répétés ou d'agressions virales. Cette suradapation de la chauve souris au fil du temps lui permet de ne pas fabriquer d'inflammation et d'être si résistante aux virus.

Département de microbiologie. Collège de médecine vétérinaire . Université de Saskatchewan. Canada 2019

Le pangolin, un intermédiaire clé dans la transmission

Le pangolin est un animal que l'on trouve dans les forêts d'Asie et d'Afrique. C'est l'animal soumis au plus grand trafic au monde. Cet animal est traditionnellement consommé dans la cuisine et la médecine traditionnelle chinoise.

La transmission du Covid-19 prend naissance chez la chauve-souris et va s'établir chez le pangolin puis arriver chez l'homme. Les personnes infectées par le Coronavirus et le virus du pangolin possèdent à 99% un génome identique.Il est à noter que le Génome du virus du pangolin (Manis javanica) originaire du Sud-Est Asiatique est identique à 91,02% au génome du Covid-19 (SARS-CoV-2) et identique à 90,55% au génome du virus de la chauve-souris (BaTG13).

Le génome du Covid du pangolin est identique à 91,02 % au Covid du SRAS

Institut des Sciences de l’Évolution de Montpellier Université 2018

Centre pour le contrôle et la prévention des maladies

Université Agricole du Sud de la Chine.

Caractéristiques du COVID 19, pour aller plus loin...

Structure du Covid-19

Le Covid-19 est un virus à enveloppe ARN à large génome et une stratégie unique de réplication. Le virus Covid-19 partage 96% de son génome avec celui de la chauve-souris. Il fait partie d'une grande famille de virus constituée de sous-divisions dans lesquelles il existe des différences majeurs :

Sous division : Alpha - Bêta - Gamma - Delta

• Alpha coronavirus et Bêta coronavirus chez les mammifères
• Gamma coronavirus et Delta coronavirus chez les oiseaux

La particularité du Covid-19 réside dans les projections en formes de pointes émanant depuis la surface du virion. Ces pointes prennent la forme de soleil d'ou l'appellation de Coronavirus (virus en couronne)

Mécanisme fondamental

Le Covid-19 utilise le récepteur de l'enzyme de conversion de l'angiotensine - ACE2 (qui régule l'hypertension telle une clé dans une serrure) pour infecter les cellules épithéliales et endothéliales.

Certaines protéines fabriquées par le Covid-19, telle que la protéine  S vont agir comme médiateur. En effet, cette dernière va induire la fusion de "cellule à cellule" entre les cellules infectées et les cellules non infectées. Cette fusion donne naissance à des cellules géantes à mufti noyaux qui permet au virus de se disperser et de se répandre à travers tout l'organisme sans subir de reconnaissance ou l'intervention du système immunitaire.

Key laboratory of special pathogens and biosafety. Wuhan Institute of virology. Wuhan. 2019

Consumérisme, pauvreté, mondialisation : des facteurs clé dans l'apparition des virus

Les moyens modernes et la technologie (internet, téléphone portable) et changements poilitiques (ouverture de la Chine à la société de consommation, libre circulation des biens et services) transforment la planète en une forme de "village global" dénués de régulateur.

« L'illusion d'une proximité et la mise à disposition pour tous » de biens et de ressources de toute sortes et « inépuisables » à travers le monde devient très rapidement, notamment avec Internet, un désir qui prend les contours d 'une réalité accessibles et disponibles.

L’émergence de classes sociales moyennes notamment en Asie induit un phénomène de mimétisme envers les classes sociales supérieures et conduit à une sur utilisation et consommation de biens et d'espèces animales rares et exotiques.

Certaines espèces animales (corne de rhinocéros, ailes de requins) sont investis d'une aura de prestige et leur consommation s'inscrit dans un rituel culturel souvent mystique afin de s'attribuer leurs forces (santé, protection financière).

La baisse de l'artisanat , la pêche locale et l'augmentation et la pêche industrielle orientent les populations vers les marchés porteurs et les demandes croissantes d'espèces animales rares.
Certaines populations dépendent de la viande d'animaux pour leurs survies. A Madagascar, une étude scientifique a montré que de nombreux enfants dépendaient de la viande d'animaux sauvages issus de la forêt pour rétablir leurs anémies.